Vous ne savez pas ce qu’est la vraie bouffe coréenne (+ où en manger à Paris)
Et je ne vous jette pas la pierre. Moi aussi, j’ai cru que le KFC — Korean Fried Chicken, pas le Colonel — était le pilier de leur alimentation.
Si vous n’avez jamais mis les pieds en Corée du Sud, vous avez sûrement une vision assez erronée de ce à quoi ressemble la gastronomie du matin calme. En même temps, difficile d’avoir une vision assez juste depuis la France (sauf si vous connaissez les bonnes adresses). Certes, il y a énormément de restaurants coréens qui ont ouvert dans tout le pays (à Paris, c’est à peu près un tous les 15 jours), mais ce sont souvent des restaurants qui “ont l’air coréen”. Ils servent du poulet frit (fade) et ils mettent un néon 사랑해 (je t’aime) au fond du resto pour faire “authentchique”. En gros, c’est de la bouffe coréenne pour les Occidentaux, avec très peu d’épices et beaucoup de gras. C’est bien dommage, parce que les Coréens ont un rapport à la gastronomie assez similaire au nôtre : ils aiment manger et partager la nourriture (c’est même un principe clé dans la gastronomie du pays). La seule différence, c’est que la nourriture coréenne est (très) saine. L’OMS a même reconnu la gastronomie du pays du matin calme comme un “exemple du point de vue nutritionnel”. Parce qu’en plus d’être délicieuse, la nourriture coréenne est pensée pour être bénéfique pour le corps et l’esprit. En bref, vous avez tellement plus à découvrir que le poulet frit et les tteokpokki. Mais ça, vous ne le comprendrez que lorsque vous aurez goûté du vrai 삼겹살 (samgyeopsal).
Une cuisine pleine de couleurs et de saveurs
Vu que les Coréens aiment tout ficeler avec des règles, la gastronomie est pensée selon des principes très précis, hérités de la période Joseon (1392 - 1910). La “Hansik” (c’est comme ça qu’on appelle la gastronomie coréenne) est régie par une certaine philosophie. Par exemple, les plats doivent représenter les 5 éléments de la nature (le bois, le feu, la terre, le métal et l’eau) et leurs couleurs associées. Le plus bel exemple de cette palette de couleurs, c’est évidemment le bibimbap (비빔밥) avec la multitude de légumes qui composent le plat. La notion d’équilibre est également très importante, que ce soit au niveau des textures, des saveurs et de la température des aliments. Manger de la vraie nourriture coréenne, c’est voyager à chaque bouchée. Il y a une vraie variété dans la sensation des aliments en bouche : parfois c’est un peu 쫄깃쫄깃 (chewy), parfois 끈적끈적한 (gluant), croquant, doux, amer… Un peu comme l’umami japonais, la cuisine coréenne joue sur un grand nombre de saveurs, plutôt uniques. Résultat, il existe plein de plats qui allient toutes ces sensations et quand il en manque, ce sont les banchans (반찬) qui offrent les saveurs manquantes.
Vous avez maintenant une vision – dans les grandes lignes – des fondements de la cuisine coréenne, mais qu’en est-il des plats ? Dans les “grands classiques” de la gastronomie coréenne, on retrouve beaucoup de soupes et ragoûts : kimchi jiigae (김치찌개), budae jjigae (부대찌개), Sundubu jjigae (순두부찌개).
S’ajoute à ça la grande famille des jeon (전), qui est une sorte de pancake coréen salé, que l’on décline avec de nombreux légumes : kimchi, ciboule, pomme de terre, courge… mais aussi avec de la viande ou du poisson. On cuisine généralement les jeons les jours de pluie, parce que le bruit de la cuisson rappelle le bruit des gouttes qui tombent sur le sol.
En plat emblématique, il y a aussi le kimbap (김밥), qui n’est PAS une version coréenne du maki. Ce serait théoriquement inspiré des futomakis, mais les Coréens ont réadapté la recette selon leur goût. Les kimbaps sont généralement garnis de légumes, de kimchi et d’une protéine (œuf, thon cuit, spam).
Impossible de ne pas évoquer les mandu (만두), qui n’est ni plus ni moins que la version coréenne du dumpling chinois. Il est consommé depuis le 14e siècle en Corée et peut être garni de kimchi, viande, tofu, poisson ou légume.
Il y a également la grande famille des plats de nouille (goûtez le jajangmyeon - 짜장면), le bibimbap, les plats à base de riz et évidemment, la viande grillée (qui aurait presque droit à une newsletter dédiée).
Ajoutez à ça beaucoup de piment et un principe cher au cœur des Coréens :“tout se mange dans un animal”. C’est bon, vous avez compris le concept global de la gastronomie du pays du matin calme. Mais attention, ne goûtez pas les choses à l’aveugle, vous risquez d’avoir de drôles de surprises.
La partie “chelou” de la cuisine coréenne
Il y a quelques jours, le youtubeur Tev, généralement connu pour son contenu sur le Japon, a sorti une vidéo somme toutes hilarante, mais qui peut faire peur aux personnes envieuses de découvrir la gastronomie coréenne. Sobrement intitulée “24h à manger la pire nourriture de Corée”, la vidéo montre les pérégrinations (courageuses) du vidéaste dans ce que la gastronomie coréenne a de plus étrange.
C’est effectivement quelque chose qu’on ne peut pas nier : on mange des trucs chelous en Corée et il y a deux raisons à ça. La première est motivée par l’idée d’éviter le gaspillage à tout prix, donc on mange tout ce qu’il est possible de manger sur un animal. La seconde est plus triste, car elle est liée à la période d’occupation des japonais et à la guerre des deux Corée : la nourriture manquant, les populations ont fini par manger ce qu’elles avaient sous la main, en plus de toutes les parties comestibles d’un animal. C’est notamment à cause de ça que pendant longtemps, on a mangé de la viande de chien en Corée. Si les vieilles personnes sont encore attachées à cette viande si particulière, les restaurants proposant des ragoûts de chien se font de plus en plus rares. En 2024, le Parlement coréen a finalement voté pour l’interdiction de la consommation de chien et les restaurants ont jusqu’à 2027 pour arrêter leur activité, idem pour les élevages de chiens.
À la viande de chien s’ajoute d’autres aliments étranges, régulièrement consommés par les populations locales. Genre les chrysalides de vers à soie. Appelés beondegi (번데기), les Coréens consomment cette partie de l’insecte en apéro ou en soupe. Il y a également les très célèbres pattes de poulet (dakpal - 닭발) – sachez que c’est l’un de mes plats préférés. On sert aussi tout un tas d’abats : l’intestin de porc, le cœur de bœuf, les pieds de porc, la soupe de sang… Côté poissons, il y a le sannakji (산낙지), qui est un tartare de poulpe mouvant, le poisson pénis (c’est exactement ce que vous imaginez), des coquillages étranges, des algues… En bref, tout un tas de saveurs insolites, plus ou moins ragoûtantes.
Est-ce que ça doit vous décourager de goûter la cuisine coréenne ? Absolument pas ! Il est tout à fait possible de ne jamais manger ces plats tout en se régalant en Corée du Sud. La gastronomie locale est tellement riche, qu’elle offre tout un tas de choses à découvrir (pour peu que vous supportiez le piment).
La fermentation, un aspect indissociable de la gastronomie coréenne
Si vous avez déjà traîné dans un VRAI restaurant Coréen, vous avez dû vous rendre compte qu’il y avait énormément d’aliments fermentés. Utilisée depuis au moins 2000 ans dans la cuisine coréenne, la fermentation, c’est un peu le dada des coréens, pour plusieurs raisons.
La première, c’est évidemment la conservation. En saumurant la viande, le poisson ou les légumes, les Coréens pouvaient conserver les aliments plus longtemps. Mais, si elle est aussi appréciée, c’est parce que la fermentation permet d’apporter un petit plus à la cuisine du pays. Ce n’est pas pour rien que les “jang” (qui sont les 3 grandes sauces de base dans la cuisine coréenne) sont entrés au patrimoine immatériel de l’UNESCO : c’est un trésor national qui apporte cette saveur unique à la gastronomie du pays. À ça s’ajoute un aspect très spirituel : ça demande de la patience et beaucoup de soin, c’est presque un rituel pour les Coréens de lancer des fermentations. Pour ne rien enlever à tout ça, les aliments fermentés sont excellents pour la santé (vive le microbiote), il serait donc dommage de s’en priver.
Où manger de la bonne nourriture coréenne à Paris ?
Maintenant que vous avez à peu près saisi toute la dimension de la gastronomie coréenne, vous devez avoir l’eau à la bouche (et je ne peux pas vous en vouloir). Le plus dur maintenant, c’est de trouver les bonnes adresses pour manger de la vraie nourriture coréenne.
Vous avez de la chance, il y a à peu près 15 000 coréens à Paris et qui dit diaspora importante, dit restaurants typiques. Et comme je suis sympa, je vais vous donner 4 de mes adresses chouchou pour BIEN manger coréen à Paris.
Misu dans le 15e arrondissement
Situé dans le quartier coréen de Paris, Misu propose une cuisine de quotidien, à la fois gourmande et délicieuse. On y va pour les tteokbokki, le bibimbap (l’un des meilleurs de la capitale) et le japchae au bœuf.
8 rue Falguière - 75015, Paris
Mojju dans le 7e
Dans ce restaurant, on est plus sur une cuisine fusion, mariage parfait entre la France et la Corée. Un seul conseil : goûtez la viande, elle est à tomber par terre.
4 rue de l’Exposition - 75007, Paris
Bong dans le 15e arrondissement
On n’a pas réellement parlé de barbecue coréen dans cette newsletter, mais ça ne vous empêche pas d’aller en tester un. Le meilleur pour moi, c’est Bong, dans le 15e. Leur viande est à tomber et ça sent la Corée (je n’en dirais pas plus). Attention, pensez à réserver, l’adresse est connue des amateurs.
42 rue Blomet - 75015, Paris
Le K-mart (un peu partout dans Paris)
Il existe également des épiceries coréennes à Paris. Les plus connues sont sûrement les K-Mart. Outre les produits pour cuisiner, vous y trouverez aussi des plats préparés et des banchan. C’est le meilleur endroit pour acheter du danmuji (단무지), qui n’est rien d’autre que du radis coréen fermenté (c’est à se rouler par terre). Laissez-vous guider par la curiosité, promis vous aurez de belles surprises (garantie sans viande de chien).
K-Mart Opéra - 4-8 rue Sainte-Anne, 75001, Paris
K-Mart Châtelet - 20 rue du Pont Neuf, 75001, Paris
K-Mart Beaugrenelle - 9-11 rue Robert de Flers, 75015, Paris
K-Mart - 9 rue du Colisée, 75008, Paris
K-Mart Auber - 92 rue de Provence, 75009, Paris