La chirurgie esthétique en Corée du Sud : il faut qu’on en parle
Ce n’est pas une légende : en Corée, entrer dans une clinique esthétique, c’est aussi facile que de pousser la porte d’une boulangerie en France. Est-ce que c’est mal pour autant ? Pas sûr…
Je vais être honnête avec vous : la Corée du Sud est le seul endroit au monde où j’accepterais de faire de la médecine esthétique. Pourquoi ? Parce que ce sont les meilleurs, tout simplement. Si l’on connaît la Corée du Sud pour son soft power à base de musique, de bouffe et de skincare, le tourisme esthétique explose depuis plusieurs années au pays du matin calme. En 2024, on estime qu’1,17 million de personnes sont allées en Corée, juste pour se faire opérer, et les cliniques comptent bien en profiter.
À Gangnam, il y a des dizaines de centres esthétiques qui proposent tous plus ou moins la même chose : des packages clé en main, avec une ou plusieurs opérations. S’il y a quelques années, il était difficile de trouver des cliniques foreigner-friendly, aujourd’hui, la présence de traducteurs s’est généralisée et certaines adresses proposent des consultations en 10 langues. L’objectif est clair : ils veulent injecter du botox à foison. À l’instar de la Turquie qui est aujourd’hui LA référence en matière de greffe de cheveux, la Corée est en train de devenir la référence en chirurgie esthétique. C’est un autre versant de ce soft power si bien étudié, mais qui traduit un biais sociétal clair : l’envie d’uniformiser son physique pour gommer les imperfections et les singularités.
Ça date de quand la popularisation de la chirurgie esthétique en Corée du Sud ?
Dans une précédente newsletter, j’évoquais la nécessité d’être belle pour être considérée par la société en Corée du Sud : ce n’est pas seulement un trait de coquetterie, c’est quelque chose qui est inscrit dans la société coréenne. On veut être beau pour ne pas heurter l’autre, on cherche la perfection pour entrer dans un moule préétabli et on ne veut surtout pas se faire remarquer. Par souci de synthétisation, je n’avais pas évoqué le principe du Gwansang (관상) dans cette précédente lettre et je pense que c’était une erreur, parce que cette pratique culturelle influence directement les choix esthétiques de la société :
Le gwansang, c'est une pratique qui permettrait, selon les croyances coréennes, d’analyser la personnalité de quelqu’un grâce aux traits du visage. Et, je vous le donne en mille : si les traits sont harmonieux, c’est synonyme de réussite et de fortune. Si ça ne l’est pas, c’est un peu la galère. Dans les traits associés à la bonne fortune, il y a :
Un visage lisse et large, légèrement bombé, sans cicatrices
Des yeux grands, clairs, avec de l’éclat
Un nez droit, haut, bien proportionné avec une pointe rebondie
Une bouche bien dessinée, avec le coin des lèvres relevé
Un visage globalement harmonieux, avec une peau claire et lumineuse
C’est drôle comme c’est plus ou moins la description d’un visage occidental… Bien loin donc des caractéristiques naturelles du visage asiatique et c’est bien là tout le problème… Car même si les fondements du gwansang ont été posés il y a plus de 2000 ans, les codes esthétiques ont évolué avec le temps et se sont adaptés aux envies modernes… Et à ce que les Coréens voyaient dans les publicités. Après la guerre, la Corée du Sud s’est tourné vers son allié américain et les contenus made in USA ont inondé le marché de la publicité. Pendant 40 ans, les Coréens n’ont vu que des visages occidentaux dans les pubs et, par la force des choses, c’est devenu un idéal à atteindre. Cette colonisation esthétique, on la retrouve dans de nombreux pays d’Asie et en Corée, cette idéalisation du visage occidental a directement influencé les opérations de chirurgie esthétique.
Blépharoplastie, rhinoplastie, réduction des pommettes… Bienvenue au paradis du bistouri
Dès 1954, on voit apparaître une obsession pour la chirurgie esthétique au pays du matin calme. La première opération à être devenue ultra populaire, c’est la blépharoplastie, aussi connue sous le nom d’opération de la double paupière. On doit cette procédure à un médecin américain venu s’installer sur la péninsule coréenne après la guerre. Déjà à l’époque, le but de cette opération était de rendre les yeux moins “asiatiques”. Encore aujourd’hui, c’est l’une des opérations les plus populaires en Corée du Sud, généralement offerte aux jeunes Coréens après l’obtention de leur diplôme.
La rhinoplastie se place aussi en tête des opérations les plus pratiquées. On dit souvent que l’on peut entrer dans n’importe quelle clinique et ressortir deux heures après avec un nouveau nez… Et c’est plutôt vrai. Là où en France, les chirurgiens laissent un délai de rétractation, les chirurgiens Coréens sont comme les scouts : toujours prêts !
Dans les autres opérations populaires, on retrouve la chirurgie du visage en V, la liposuccion, la chirurgie des pommettes, l’augmentation mammaire… Il y en a pour tous les goûts, et les cliniques proposent souvent des forfaits pour faire tout en une seule fois, mais attention, toujours selon les principes du gwansang (qui est manifestement aujourd’hui plus un argument marketing qu’autre chose).
S’il n’y a pas, mis à part la blépharoplastie, de grandes différences dans les actes chirurgicaux populaires au pays du matin calme, la majeure différence se place dans la façon de consommer la chirurgie esthétique. En France, c’est un luxe, en Corée, c’est du consommable. On en voit moins aujourd’hui, mais il y a quelques années, les couloirs du métro étaient placardés de publicités pour des cliniques esthétiques et certains chirurgiens n'hésitaient pas à offrir les soins en échange d’une vidéo sur les réseaux sociaux. Tous ces petits détails montrent bien la différence de perception qu’il y a vis-à-vis de la chirurgie esthétique entre l’Occident et la Corée. Chez nous, on tourne la Mar-a-Lago face en dérision (comprenez les “visages d’Américains de droite boostés au botox”), alors qu’au pays du matin calme, on ne se cache plus de faire quelques petits ajustements.
Quid de la médecine esthétique ?
À la chirurgie esthétique vient s’ajouter tous les protocoles de médecine esthétique : le botox, les filers, les lasers pour améliorer la qualité de la peau… C’est encore une autre catégorie de soins et ils sont encore plus banalisés que la chirurgie. Les Coréens font attention à leur peau et n’hésitent pas à aller régulièrement au salon esthétique pour prendre soin de leur visage…. Le tout à moindre coût.
À titre d’exemple, une injection de botox coûte entre 20 et 150€ en Corée du Sud (ça dépend de la clinique et de la zone d’injection). En France, c’est 300€ minimum. Une fois de plus, c’est la preuve que la beauté est un consommable et non un luxe et les Coréens auraient tort de se priver de faire quelques piquouses de temps en temps (surtout si ce n’est pas cher).
L’addiction à la beauté, un vrai problème de société
Mais, il fallait s’en douter, il y a un revers à la médaille. Si la chirurgie esthétique a gagné en popularité au fil des années, c’est parce qu’elle a longtemps été considérée comme une façon de se démarquer sur le marché du travail : quelqu’un de beau, est un employé plus désirable. Cette croyance découle de la crise financière qui a touché la Corée en 1997 : les employés étaient prêts à tout pour retrouver du travail – même à passer sur le billard.
Par peur de la discrimination, les gens finissent par tomber dans une addiction à la beauté, qui les pousse à faire toujours plus pour garder un visage jeune et une peau parfaite. En octobre dernier, M.Ham, maquilleur des stars, m’avait appris que beaucoup de Coréens commençaient la crème anti-rides à 17 ans (!!!). Cette obsession précoce pour la jeunesse est liée à plusieurs facteurs, mais surtout aux réseaux sociaux. La Corée n’est d’ailleurs pas un cas isolé, partout dans le monde, des jeunes développent une “Snapchat Dysmorphia”, liée à l’utilisation abusive des filtres sur les réseaux sociaux. Une étude , appelée Retouched Reality: Beauty, K-pop and filters in Korean Social Media, publiée en 2025 analyse précisément ce phénomène d’amélioration permanente de son apparence grâce aux filtres. Pour les besoins de l’étude, plusieurs jeunes femmes ont été interrogées et elles ont toutes un point commun : elles ne supportent plus leur visage sans filtre. À la pression sociale s’est donc ajouté la nécessité d’être aussi proche que possible de la perfection des réseaux sociaux.
“Je pense que les réseaux sociaux ont un rôle énorme dans la création des idéaux de beauté.” avoue l’une des participantes, alors qu’une autre confesse qu’elle a lâché l’affaire : “J’ai abandonné. Je vais essayer de m’aimer comme je suis. Mais si je veux vraiment ressembler aux idoles de K-pop, je pense qu’il faut que j’aille à Gangnam.”
Gangnam comme solution de dernier recours donc, mais à quel prix ? Celui de ressembler à toutes les autres, sans distinction aucune, au risque de se rendre malade si l’on n’arrive pas à atteindre cet idéal fantasmé.
Mais alors ? Bonne ou mauvaise chose la chirurgie esthétique en Corée du Sud ?
Une fois n’est pas coutume, il n’y a pas de réponse parfaite à la question : tout est dans le dosage de la consommation de la chirurgie esthétique. Évidemment, il n’y a rien de cool à contraindre les jeunes filles à passer sur le billard pour correspondre aux normes esthétiques d’un pays, mais pour beaucoup, la chirurgie esthétique est un moyen de guérir un traumatisme ou d’effacer un complexe.
En vérité, que ce soit en Corée ou ailleurs, tout le monde fait des soins esthétiques. J’habite à Paris et dans mon milieu socio-professionnel (à savoir journaliste bobo vivant dans le 11e arrondissement), tout le monde ou presque a fait du botox passé un certain âge.
C’est vrai qu’idéalement, il faudrait faire en sorte que les gens s’acceptent comme ils sont… Mais la réalité est tout autre et même si on aimerait que ce soit autrement, il y a des normes de beauté qui évoluent en fonction des années. Kim Kardashian a popularisé le BBL en 2010, Pamela Anderson les gros seins dans les années 80 et Jennie des Blackpink a le nez le plus désirable du moment. Ce ne sont que des tendances qui vont et viennent. On peut difficilement lutter contre ça, mais on peut s’autoriser à être honnête : oui, les gens font de la chirurgie esthétique, parce qu’ils veulent être plus beaux, c’est valable en Corée comme chez nous. Est-ce que ça doit pour autant tourner à l’obsession ? Certainement pas, surtout que l’abus de chirurgie esthétique peut être dangereux et il est possible que les opérations tournent mal. En 2024 par exemple, une jeune femme a partiellement perdu la vue après une injection de botox dans une clinique coréenne. Il y a des risques à chaque opération et les cliniques ne les évoquent que rarement, pas souci de rentabilité. Il faudrait en réalité un juste milieu entre ce que propose la Corée et ce que l’on trouve en Occident : rendre la médecine esthétique accessible, mais pas trop non plus, afin d’éviter les dérives.
Vous voulez des adresses d’instituts esthétiques en Corée du Sud ?
N’étant jamais passé à l’acte, je ne pourrais pas vous conseiller des cliniques esthétiques, je peux en revanche vous donner une adresse d’institut de beauté à Séoul.
Son petit nom : Comme Aesthetic. Située à Gangnam, c’est un institut prisé des stars et des influenceurs Coréens. C’est plutôt cher par rapport à la concurrence, mais c’est un institut très couru, avec des soins de haute qualité. J’avais testé le “skin analysis” qui mesure l’âge de la peau et identifie les besoins. C’est un soin 100% personnalisé, qui s’adapte à chaque profil cutané. À noter : c’est également un institut spécialisé dans le traitement de l’acné et les résultats sont bluffants.
Comptez entre 150 et 200€ pour un protocole complet.
Comme Aesthetic, 48 Donsan-daero 19-gil, Gangnam-gu, Seoul
Si vous êtes à la recherche d’une clinique esthétique, un ami m’a conseillé Seye Clinic à Gangnam, qui propose tout un tas de protocoles, à des prix plutôt justes.
Comptez entre 30 et 40€ pour les injections de botox, 30€ pour un peeling médical, et moins de 50€ pour un soin laser express (oui, je sais, ça donne le tournis).
Seye Clinic, 10e étage, 55 Seocho-daeron, 77-gil, Seocho-gu, Séoul
En attendant de passer à l’acte, je me contente de maintenir ma routine skincare quotidienne (quasi militaire) en y ajoutant les nouveaux protocoles tendances en 2025 en Corée du Sud.
N’hésitez pas à commenter le post si vous avez déjà fait un soin esthétique en Corée, je suis curieuse de vos feedbacks.
Mama je suis bouche bée 😥
Je connaissais cette pratique de gwansang mais sous le nom de « QI du visage » . C’est tout simplement horrible.
Quel nom porte la chirurgie du haut des lèvres ? C’est très courant aussi.
Après j’avoue qu’ils sont vraiment doués les chirurgiens coréens , leurs interventions sont quand même visuellement discrètes et restent « naturelles » comparées aux pratiques américaines.
Maintenant, peut être que je serai tentée si j’y allais? 🤣
Qui sait
Je ne pense pas que j’oserais 😆
Ps : j’ai regardé True Beauty. Ohlala j’ai adoré cette série !