Pourquoi personne ne parle jamais de la série Pachinko ?
J’en ai un peu marre que tout le monde recommande toujours les trois mêmes séries populaires sur Netflix, sans jamais parler de celle-ci. Il est temps de réparer cet affront.
En traînant sur les groupes fans de K-Dramas ou dans les communautés digitales, on voit souvent revenir les mêmes recommandations en matière de séries coréennes. Healer, Descendants of the Sun, Crash Landing on You… Mais jamais personne ne parle de Pachinko, et c’est bien dommage.
Ce drama, bien que très réussi, a eu du mal à se faire une place dans les viewing lists des fans. C’est sûrement lié à sa diffusion sur AppleTV, application génialissime, mais moins populaire que le mastodonte Netflix ou Viki, une plateforme spécialisée en contenu asiatique. Résultat, cette série - délicieusement portée par Lee Min-ho - reste très confidentielle et c’est bien dommage.
Heureusement que je suis là pour réparer cet affront.
Une série tirée du meilleur bouquin du 21e siècle
Ce n’est pas moi qui le dit, c’est le New York Times (c’est donc forcément sérieux). Pachinko, un livre écrit par Lee Min-Jin, a été publié en 2017 et c’est un pavé qui raconte l’histoire de la colonisation japonaise en Corée du Sud à travers les yeux d’une jeune fille, Sunja, dont le destin va entièrement être façonné par le racisme et l’impérialisme nippon.
Si le livre ne se présente pas spécifiquement comme une biographie, il raconte cependant l’histoire de milliers de femmes qui ont été obligées (ou forcées) de fuir la Corée pour survivre.
Au fil des pages, on découvre plusieurs axes intéressants dans l’histoire : la question de la soumission, le racisme, l’absence de considération pour les femmes, la nécessité de fuir, la résilience, l’envie de transmettre, la résistance. C’est certes un récit coréen, mais les thématiques résonnent à l’international et c’est sûrement pour cette raison que le livre fait partie du top 5 des meilleurs ouvrages du 21e siècle.
En 2021, Pachinko avait été vendu à plus de 3 millions d’exemplaires et a été depuis traduit en 30 langues. On est sur un petit succès, qui avait évidemment un avenir tout tracé à la télévision. Mais étonnamment, ce n’est pas l’usine Toudoum qui a racheté les droits, mais un autre mastodonte : Apple, avec pour objectif de faire venir les fans inconditionnels de la création coréenne sur sa plateforme de streaming. C’est là que le bât blesse : avec une absence de communication en Occident, le public est un peu passé à côté et c’est dommage, parce que la série est excellente.
Pachinko, une série comme on en voit peu
Qu’est-ce qui fait que Pachinko est une bonne série ? L’histoire évidemment, mais aussi un casting 5 étoiles et une réalisation aux petits oignons. Diffusée depuis 2022, la série se compose (à date) de 2 saisons de 8 épisodes.
Le plot est identique au livre : Sunja est une jeune coréenne qui vit dans le sud du pays, mais elle grandit dans une Corée occupée par l’envahisseur Japonais. Elle va être contrainte de partir pour sauver sa peau et finir par se créer un foyer loin de chez elle. Au-delà même de l’histoire de Sunja, Pachinko propose de suivre l’histoire d’une famille d’immigrés, dans un pays qui n’est pas le leur. Apatrides, ils sont entre deux nations et entre deux cultures, obligés de jongler entre la guerre et la politique raciste. Tout un programme.
Les rôles principaux sont portés (avec brio) par Kim Min-ha (Sunja), Lee Min-ho (Koh Hansu), Jin Ha (Baek Solomon) et Park So-hee (Mozasu). C’est ce quatuor qui, au fil des époques et des années, porte une histoire délicieusement dramatique, qui nous fait voyager dans la période la plus sombre (et la plus méconnue) de l'histoire de l’Asie de l’est.
Une série plus importante qu’on ne le pense ?
Si l’on n’aime pas se prendre la tête, on peut simplement se dire que c’est une série un peu dramatique, mais sympa à regarder quand on aime la culture coréenne ou japonaise (bingo, vous avez les deux dans le même programme). Mais comme je suis du genre à chercher la petite bête, je pense que cette série porte un message essentiel et c’est en ça qu’elle est précieuse.
Au même titre que When Life Gives You Tangerines, Pachinko est une fable familiale avec, comme personnage principal, une femme. Et ça change tout, parce qu’on voit le monde à travers le regard d’une femme, obligée de se sacrifier en permanence pour ne pas mourir ou pour sauver sa famille. Ce genre de récit résonne évidemment en Occident, mais surtout en Asie, là où la misogynie est encore la norme (imaginez ce que ça devait être dans les années 20). Pachinko nous propose un female gaze sur la société et nous balance, presque brutalement, la violence que c’est d’être une femme dans un pays en conflit. Généralement, ce sont elles qui sont les premiers dommages collatéraux, ce n’est pas moi qui le dis, c’est la Croix-Rouge : les femmes sont mises de côté pendant les périodes de conflit, car perçues comme des fardeaux, là où les hommes sont considérés comme des combattants potentiels.
Plus globalement, la série traite aussi des questions de racisme et de discrimination, deux thématiques ô combien actuelles, qu’il est plus que nécessaire de marteler, en espérant faire du bourrage de crâne (spoiler : le racisme, c’est mal).
La série a beau se passer dans un temps que les moins de 30 ans ne peuvent pas connaître, elle n’en reste pas moins particulièrement dans l’air du temps.
J’ai évoqué toute la partie “sociétales” de la série, mais il y a évidemment toute la partie "famille" qui est elle aussi essentielle. Sunja passe de jeune fille à mère, de femme mariée à femme seule, de mère à grand-mère… Toujours avec abnégation et amour. Parce qu’au-delà même de toute la misère et de toutes les difficultés, ce qui reste à la fin, c’est l’amour : celui que l’on chérit secrètement, celui que l’on ressent pour ses enfants, celui que l’on peut avoir pour une patrie. Oui, c’est cucul, mais finalement, est-ce que toutes les histoires (belles et moins belles), ne se résument pas à de l’amour.
Qu’est-ce qu’on garde de cette série ?
Des mouchoirs usagés, parce que l’on pleure pas mal. Une certaine plasticité cérébrale, parce que la série (en VO) est en trois langues : Anglais, Japonais et Coréen. De l’amour profond pour Lee Min-ho (et ma mère valide ce point). Mais surtout, la curiosité d’en apprendre plus sur les heures sombres de la relation entre la Corée et le Japon.
Il y a plein d’aspects qui ne sont pas frontalement évoqués dans la série : la question des femmes de confort par exemple - des femmes qui ont été déportées par le Japon pour être “mises à disposition” des soldats dans des bordels géants - ni la volonté des Japonais d’exterminer la “race” coréenne. L’idée n’était pas tant de faire une leçon d’histoire, mais de permettre à travers une histoire déchirante et des décors somptueux, à un maximum de personnes d’entrevoir cette partie de l’histoire coréenne.
Est-ce que je recommande la série ? Évidemment, elle vous en coûtera quelques larmes, vous ne le regretterez pas.
Où est-ce qu’on la regarde ? Sur AppleTV toujours (disponible sur MyCanal), mais il doit y avoir d’autres moyens de trouver les épisodes (mais chut, je n’ai rien dit).
N’hésitez pas à me dire ce que vous avez pensé de la série et ne vous privez pas de partager vos recommandations en commentaire.
Ma mère m’en avait parlé, mais je ne lui avais jamais vraiment donné sa chance. Et puis ta newsletter m’y a refait penser… Mon dieu, quelle révélation. C’est tellement bon. 😭🤍
Super newsletter sur cette série !
Je l’avais regardé au début comme un drame historique (ce qui est tout aussi vrai) et l’occasion d’explorer une période peu connue. Au fil des épisodes j’ai apprécié ce female gaze portée par la série et notamment les choix que Sunja doit faire dans ses relations. Les allers-retours entre présent et passé sont tellement bien et permettent de montrer les continuités et les ruptures qu’il y a eu dans les mentalités des deux pays mais aussi la difficulté qu’il reste à vivre en tant que personne originaire de Corée au Japon (ce qu’on voit bien avec le petit-fils).
J’attends avec impatience la saison 3 ! L’été arrivant je vais peut-être craquer sur le livre… si le NY Times le recommande.
Série confidentielle mais qui mérite plus de visibilité, notamment en VO l’alternance entre les langues renforcent tellement l’immersion et la compréhension du métissage entre les cultures.